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Michel Reckinger, nouveau président de l’UEL: « La productivité des entreprises doit se retrouver tout en haut de l'agenda politique »

Début janvier, Michel Reckinger a succédé au président sortant Nicolas Buck à la tête de l’Union des Entreprises Luxembourgeoises (UEL). C'est la première fois qu'un représentant de l'artisanat assume cette responsabilité. Ce mandat signifie également que M. Reckinger démissionnera de la présidence de la Fédération des Artisans lors de la prochaine Assemblée générale de celle-ci.

On s'est entretenu avec le nouveau président de l’UEL sur ses priorités et sur les défis auxquels les entreprises sont actuellement confrontées.

 

Nicolas Buck a démissionné de la présidence de l’UEL après 18 mois. Les organisations membres s'étaient mises d'accord sur un successeur en octobre de l'année dernière.  Qu’est-ce qui vous a amené à accepter ce mandat ?

Nicolas Buck a décidé de se concentrer davantage sur son entreprise. C'est une décision tout à fait légitime. Nous ne sommes pas des politiciens professionnels ou des syndicalistes qui peuvent assumer leur mandat à plein temps. Le conseil d'administration de l'UEL, comme tous les conseils d’associations d'employeurs, est composé de bénévoles qui ont aussi la responsabilité de leurs entreprises et de leurs salariés.

La présidence de l’UEL implique une grande responsabilité et demande un niveau d'engagement correspondant. Entre employeurs, nous avons cependant conscience de l'importance de l'engagement bénévole des entrepreneurs pour l’économie, pour l’emploi et pour notre société.  

Je suis convaincu que le Luxembourg se trouve à une croisée de chemins qui déterminera la direction dans laquelle le pays va se évoluer et s’il nous sera possible maintenir notre position privilégiée en Europe. C'est à cela que je veux contribuer, ensemble avec mes collègues.   

Vous êtes le premier représentant du secteur de l'artisanat à occuper ce poste.  Est-ce que les secteurs organisés au sein de l’UEL sont-ils toujours alignés ou y a-t-il également parfois de intérêts divergents ?

Il n'y a qu'une seule économie. Il n’existe pas de scénario où l'artisanat, le commerce ou l’HoReCa se portaient bien si les banques et l'industrie se portaient mal. Il n’existe pas non plus de scénario dans lequel les gens profiteraient d'une mauvaise conjoncture économique et vice versa.

L’UEL défend le concept d’une économie forte qui est à la fois le fondement d'un système social généreux et d'un État qui est en mesure de remplir ses missions dans l'intérêt de ses citoyens.

Toutes les organisations membres de l'UEL s'identifient à cette vision. S’il y a points à clarifier, nous le faisons de manière collégiale au sein de nos instances.  

Avant la pandémie, l’UEL avait une appréciation mitigée du dialogue social qui, selon elle, ignorait systématiquement les préoccupations des employeurs. Quel est votre sentiment ?

Je suis un grand partisan du dialogue social, surtout quand il a lieu au sein de l'entreprise. Dans les entreprises, les employeurs et les salariés trouvent chaque jour des solutions concrètes à des problèmes concrets, car tous deux considèrent le point de vue de l'autre. Sans salariés, il n'y a pas d'entreprise et sans entreprises, il n'y a pas d’emplois. La conscience de cette interdépendance discipline les échanges.

Au cours des dernières années, cette perspective partagée et son effet disciplinant a manqué au dialogue social au niveau national. Il est vrai que la coopération a mieux fonctionné dans le contexte de la pandémie. Les partenaires sociaux et le gouvernement ont pu trouver des accords dans le domaine du chômage partiel, des mesures de soutien aux entreprises et, plus récemment, au niveau de la réglementation du télétravail. Cela est positif.

Le défi consiste maintenant à transposer cet état d’esprit dans le dialogue social de tous les jours. Des concessions doivent être faites des deux côtés. Le mot d’ordre est « Give and Take » au lieu de poser des revendications unilatérales.  Sans ce concept de réciprocité, le dialogue social ne va pas fonctionner.   

L'échec de l’implantation de FAGE a déclenché un débat sur la politique économique. A vos yeux, quel est le « bon » modèle économique pour le Luxembourg ?

La société et la politique ont des idées et des attentes très claires par rapport à l'État-providence, le niveau des salaires et des pensions, la qualité des infrastructures et sur l’étendue des services publics. Nous avons donc besoin d'une économie et d'investisseurs qui sont à la hauteur de ces attentes. L'économie luxembourgeoise doit de toute évidence être hautement compétitive et dynamique, tout en gardant à l’esprit l'écologie et les contraintes de l’aménagement du territoire.

Pour ce faire, nous avons besoin de la place financière, de l'industrie et de l'artisanat, ainsi que du commerce de détail et de la restauration. Tous les secteurs de l'économie doivent pouvoir travailler de manière aussi productive que possible. C'est le défi de la politique économique des années à venir. Quand allons-nous enfin devenir plus productifs ? Si l'on exclut la place financière de l'équation, le Luxembourg arrive en dernière position en termes de productivité en Europe. La productivité des entreprises doit se retrouver tout en haut de l'agenda politique si nous voulons maintenir notre niveau de vie.

L'opinion publique est désormais divisée au sujet de la croissance économique. En particulier, les répercussions sur le marché du logement et en matière de mobilité sont critiquées. Est-ce qu’on doit changer de modèle ?

Ce n'est pas une question à laquelle le président de l’UEL peut répondre. Il s'agit d'une décision fondamentale sur la direction que le pays doit prendre. Un changement de système est bien sûr possible. Si nous dégradons les conditions cadres pour les entreprises, de nombreuses activités vont se délocaliser. Il s'agira principalement de services financiers qui, par essence, sont très mobiles. Mais si on décide de plomber notre économie, il n'y a aucune raison pour que le niveau de la vie au Luxembourg soit beaucoup plus élevé que dans les régions frontalières avec des salaires et des avantages sociaux correspondants. Jusqu'à présent, je n'ai entendu aucun parti dire que c'était un objectif souhaitable. On ne peut pas se défaire de la croissance tout en voulant conserver les fruits de cette même croissance.  

D’un autre côté, cela ne signifie pas que nous ne devions pas essayer de mieux maîtriser les conséquences de la croissance. Le gouvernement est en train de rattraper un énorme retard d'investissement, en particulier dans le domaine de la mobilité. Le marché du logement est sous pression en raison de la croissance dynamique de la population, mais pas seulement. Le gouvernement n’arrive pas à instaurer une politique de logement cohérente dont la priorité est de créer des logements supplémentaires. D'une part, nous créons des attentes en suggérant un droit au logement abordable et, d'autre part, nous freinons, pour diverses raisons, la création de logements.

Pratiquement aucune discussion politique ne peut se passer du constat que le fossé entre riches et pauvres se creuse et que de moins en moins de citoyens bénéficient de la croissance ?

L'économie peut essayer d’augmenter la taille du gâteau. La politique est chargée de distribuer le gâteau de façon à assurer la cohésion sociale de la population. Cela fonctionne relativement bien au Luxembourg. Les entreprises luxembourgeoises paient les salaires les plus élevés d'Europe. Environ la moitié du budget national est consacrée aux prestations sociales, c'est-à-dire à la redistribution.

Bien entendu, cette redistribution pourrait être rendue beaucoup plus sélective afin de mieux aider les personnes à faibles revenus et de maintenir l'écart par rapport aux salaires plus élevés. Le gouvernement ne cesse d’annoncer la fin de la politique de l’arrosoir, mais à ce jour, cela n'a jamais été fait. Les mesures de compensation autour de la taxe sur le CO2 ne sont que l'exemple le plus récent.

Toujours est-il que la cohésion sociale est importante. Le sujet a une forte résonnance dans la population. Mais c'est aussi un sujet qui se prête à la simplification. Il est donc important de mieux cerner le sujet et de définir les facteurs déterminants. Le risque de pauvreté connaît une définition statistique. Les salariés qui gagnent moins de 60 % du revenu médian sont exposées au risque de pauvreté. Mais qu'entendons-nous par "riche" ? Fait-on référence à un seuil de revenu ? Parle-t-on de propriété immobilière et/ou de capital ? Est-ce qu’on parle uniquement d’entreprises ? Que devons-nous demander aux "riches" une fois que nous nous sommes mis d'accord sur une définition ? Plus de taxes, que nous allons ensuite redistribuer à l'arrosoir ? Allons-nous abolir l'indexation des salaires, qui est un facteur majeur de l'élargissement quasi mécanique de l'écart salarial entre les bas et les hauts revenus ?

La cohésion sociale dans le pays est une question élémentaire laquelle nous ne devons pas uniquement discuter sur le plan émotionnel.

 Une discussion qui en découle directement est celle de la justice fiscale...

Il est question ici de l'imposition des entreprises et de l'imposition des salariés, ou pour le dire de façon plus idéologique, de l'imposition du capital contre l'imposition du travail. En tant qu'entrepreneur, je voudrai préciser que je n'ai rien contre une réduction de la charge fiscale sur le travail.

Mais ce qui me dérange, c'est la représentation antagoniste. À mon avis, l'imposition du travail et l'imposition du capital ne sont pas en conflit direct.

Nous nous trouvons cependant dans une situation de concurrence en matière de fiscalité des entreprises. Si notre environnement fiscal n’est plus compétitif, de nombreuses entreprises actives sur des marchés d'exportation vont délocaliser. Nous aurons alors la satisfaction d'avoir un taux d'imposition plus élevé pour les entreprises, mais en même temps, il ne restera pratiquement plus de capitaux à taxer. Les activités et les emplois partiront pour Francfort, Londres ou Dublin. Les épaules étroites qui resteront au Luxembourg devront alors supporter une charge fiscale bien plus élevée qu'auparavant. On ne peut pas se permettre de scier la branche sur laquelle on est assis.

Au niveau de l'impôt sur les salaires, 5 % des contribuables génèrent 50 % des recettes fiscales. Ainsi, les larges épaules portent effectivement l’essentiel de la charge.

Bien sûr, nous ne sommes pas d'accord que des entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires énorme ne paient pratiquement pas d'impôts. Mais ce n'est qu'une poignée d’entités par rapport aux milliers d'entreprises auxquelles on ne fait pas de cadeaux.

Quelles sont les priorités actuelles de l’UEL ?

Les principales compétences de l’UEL sont la fiscalité, les relations de travail et la sécurité sociale. L'objectif est de créer un environnement dans lequel les entreprises peuvent se développer. L'environnement fiscal est particulièrement important pour les entreprises qui doivent vendre leurs services et leurs produits sur le marché mondial, comme c’est p.ex. le cas pour le secteur financier et le gros de l’industrie. En ce qui concerne les relations de travail, nous nous concentrons avant tout sur les petites et moyennes entreprises, qui rencontrent de plus en plus de difficultés à organiser leur travail. Nous sommes pour un équilibre attrayant entre vie professionnelle et vie privée, mais les entreprises doivent également avoir la possibilité de s'adapter à ces évolutions.

La sécurité sociale vise à offrir une bonne protection à nos salariés, à mieux protéger les indépendants dans le futur, à maîtriser les coûts salariaux et à garantir la stabilité du système.

En raison de la grande importance de ces dossiers, je voudrais également aborder, ensemble avec les organisations membres, la politique de logement et la transition énergétique.

Comment se portent les entreprises dans le contexte de la pandémie de Corona ?  

L’ouverture du chômage partiel à tous les secteurs a empêché le pire pour les employés. L'incertitude quant au développement de la situation sanitaire continue cependant à peser lourdement sur l'économie. De nombreuses entreprises sont en panne de liquidités. Les frais de fonctionnement continuent de courir, même si aucun revenu n'est perçu. À moyen terme, beaucoup dépendra de l'évolution du comportement des acteurs privés et publics en matière d'investissement.

Qu'attendez-vous du gouvernement ?

Dans nos relations avec le gouvernement, nous avons des attentes à la fois en termes de forme et de fond.

En ce qui concerne la forme, il est important pour que le gouvernement reconnaisse la légitimité de l’UEL et de ses positions. L'UEL représente, par l'intermédiaire de ses membres, 100 % des entreprises au Luxembourg. Cela peut sembler banal, mais c'est la base de toute négociation.

En ce qui concerne le fond, nous pensons que le Luxembourg doit mener une politique économique bien plus active. On parle beaucoup de la redistribution des ressources financières et nous ne parlons pas assez de la manière dont cette richesse est générée.  C'est une question de productivité, de procédures, de statut des entrepreneurs...

Quelles sont leurs attentes vis-à-vis de la politique en général ?

Nous constatons qu'aucun parti ne revendique la compétence économique et financière. On a plutôt l'impression que les partis ne veulent pas être associés à ces questions. Il est dans une certaine mesure tragique que les politiciens ne s'intéressent pas davantage aux bases financières de l’action politique. 

En tant qu'organisation d'entrepreneurs, nous nous sommes même posés la question si nous ne devions pas lancer notre propre parti pour mettre en avant les thématiques délaissés par les autres partis politiques.

Contact :

Fédération des Artisans

Christian Reuter

424511-28

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