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FDA - NEWS

Des silos, des priorités et des triangles de décisions

Christain Reuter
8 mars 2021

La politique a besoin du consentement de la population pour légitimer ses actions. Pour être acceptée, elle doit être cohérente dans ce qu'elle dit et fait. Lorsque des situations conflictuelles surviennent, la politique doit décrire les choix à envisager, fixer des priorités et prendre des décisions. Bien sûr, tout cela est plus facile à dire qu'à faire, mais la cohérence, la consistance et la transparence constituent la base d'une politique solide et acceptée par le plus grand nombre.

Le gouvernement partageait ce point de vue, du moins au début de son mandat. Il a été question de grand ouvrir les fenêtres et la fin de la politique des silos, où chaque ministère vaquait à ses occupations sans trop se soucier du reste du monde, était déclarée.  Le « patient » Luxembourg devrait être soigné de manière holistique.

8 ans plus tard, les silos sont toujours en place. Le programme de coalition semble enchaîner les coalitionnaires plutôt que de les unir sur une base thématique. Chacun des partis essaie maintenant de réaliser ses ambitions dans les ministères qui lui sont attribués, ce qui ne profite pas vraiment à la cohérence de l’action gouvernementale. Si l'on en croit le Conseil de presse, il ne reste pas grand-chose non plus de la volonté d’ouverture et de transparence pourtant si âprement prêchée.

Ce qui reste cependant, ce sont les lignes de tension et les questions non résolues qui mijotent dans la marmite des coalitionnaires.

L'un des exemples les plus marquants de cette situation est la tension entre les politiques du logement, de l’aménagement du territoire et de la politique environnementale, qui sont toutes placées sous l'autorité de ministres des Verts.

Ce sont des domaines politiques éminemment importants qui soulèvent des questions délicates, et le fait que le tout doit se jouer sur un territoire de 2 500 kilomètres carrés ne facilite certainement pas les choses. Et pourtant. L'évolution des prix de l'immobilier est une préoccupation sérieuse pour la majorité des résidents. Les terrains à bâtir sont rares et coûteux, et la pléthore de procédures les rendent encore plus onéreux et retardent la création de logements.

Ce serait un moindre "problème" si la politique se fixait des priorités claires et les communiquait tout aussi clairement. La protection de l'environnement et des espèces est la priorité Number 1 et plus important que de promettre aux gens l’accès à la propriété à un prix abordable. En ce faisant, les innombrables procédures, compensations, relocalisations d'espèces qui font de la création de logements un vrai parcours du combattant n'auraient pas seulement une base juridique, mais jouirait aussi d’une priorisation politique inéquivoque laquelle on peut saluer ou réfuter.  

Inversement, on pourrait aussi dire que la création de logements est LA priorité, et qu'il faudra dès lors accepter des concessions dans d'autres domaines politiques, comme la protection de l’environnement.

Le problème avec le gouvernement actuel est que chaque action politique a le même niveau de priorité. Les gens sont amenés à croire, d’un côté, que l’accès à la propriété immobilière est un droit, ce qui met par ailleurs une énorme pression sur le gouvernement. D'autre part, la protection de l'environnement et des espèces est, à juste titre, également une priorité de l’action du gouvernement. 

Parce que, bon gré mal gré, "quelque chose" doit être fait en matière de logement, le gouvernement sort les même concepts qui ne fonctionnent pas depuis 30 ans. Parallèlement, le gouvernement essaie d'externaliser cet échec politique en direction des entreprises en faisant croire que le problème pourrait être solutionné au niveau des salaires. Toutefois, cela ne pourra pas marcher, car aucun salaire minimum et aucun point indiciaire ne pourra être revalorisé aussi rapidement que les prix des logements augmentent.

Que faire ?  Ce qui ne fonctionnera certainement pas est d’accorder la même priorité à la création de logements, à une politique environnementale sans concessions et au maintien de l’autonomie communale sous sa forme actuelle.  Quelque part dans ce triangle de décisions, on pourrait vraisemblablement trouver une alternative supérieure au statu quo, en se donnant une certaine flexibilité.  A voir.

Mais le dilemme luxembourgeois va encore plus loin. Au moins une partie de la politique et de la population sont fatiguées des effets de la croissance. Trop de trafic, trop de monde, trop peu d'espace. Des appels sont lancés pour que l'on abandonne la logique de la croissance.

Mais là aussi, le triangle de décision n’est pas loin. Une croissance plombée à un coût. Souvent, les protagonistes du frein à la croissance sont les t les mêmes qui veulent transférer toujours plus de missions à l'État, qui identifient toujours une nouvelle cause qui mériterait d’être mieux soutenue, qui trouvent toujours une nouvelle raison pour augmenter les dépenses publiques.

Curieusement, la contradiction entre diminuer l’activité économique et augmenter le champ d’action et donc les dépenses de l’Etat n'est jamais discutée publiquement. En fait, le débat sur un ralentissement de l’économie ne peut pas être mené sans se poser la question dans quels domaines on serait prêts à accepter des réductions. Moins d'investissements, des pensions et des salaires plus modestes, des coupes dans l’Etat providence... ? Il se peut que de telles discussions soient menées dans les coulisses.

Mais jusqu'à présent aucun responsable politique n'a publiquement tenu de tels propos. Il est sans doutes plus confortable de vivre avec nos contradictions, d’opérer des légers arbitrages et d'espérer pour le mieux. Cela aussi est une sorte de cohérence et de consistance qui peut faire le consensus. 

Fédération des Artisans

Christian Reuter

Secrétaire général adjoint

424511-28

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